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Statia

Après notre course folle dans le bush de Barbuda, nous voilà en route pour St Eustatius – affectueusement désignée par le diminutif « Statia » – petite île des Antilles Néerlandaises qui sont aux Pays-Bas ce que les TOM sont à la France. Nous levons l’ancre très tôt le matin, avant le lever du jour, pour être sûrs d’arriver avant la nuit au mouillage devant Oranjestad : il y a presque 70 milles à couvrir en 12h, il ne faut pas traîner ! Notre positionnement de la veille nous a permis de nous éloigner des récifs et de tirer droit vers le large en partant de notre mouillage devant la grande plage de sable fin. Le vent souffle pile poil dans l’axe de notre route, « plein cul » comme dirait – familièrement – l’autre, nous mettons Corentin le numéro 1 d’un côté sur le tangon de spi et Eloi le génois de l’autre, sur la bôme. On a en effet trouvé une grosse poulie pas trop cher à Antigua, ce qui nous permet d’éloigner du mât bien comme il faut le point d’écoute et donc de bien gonfler la voile. Le passage dans la poulie est bien moins agressif qu’auparavant pour le cordage (sur la traversée de l’Atlantique, on avait un simple mousqueton, ça frottait, ça faisait du bruit et … ça a finalement et logiquement pété).

Cette fois, comme la nav’ est plutôt pépère, on met la pêche en route. Gertrude sera la première victime (oui c’est bien dans ce sens là) d’un énorme poisson que j’ai vu sauter au-dessus de l’eau alors que je regardais dans le sillage. Bilan : toute une jupe bouffée et un hameçon tordu ! Sale bête ! Soit dit en passant on comprend désormais pourquoi on s’est fait emporter des leurres, si l’attaque est aussi violente que celle à laquelle j’ai assisté ! Apparemment, le gros élastique ne suffit pas pour absorber les chocs … si on avait un moulinet freiné sur le balcon arrière, ça se passerait pas comme ça !

gertrudeAPrisCher.jpg

Et là, on imagine le poisson en train de recracher des bouts de plastique rose : "Pouah, mais c'est dégueu, où est-ce qu'il a été traîner ce calamar ?"

C’est donc Steevy, dont l’apparence fait un peu moins désordre, qui prend le relais pour la suite, et il assurera comme une bête : 4 petits thons remontés, un gros poisson qui arrivera à se libérer à quelques mètres du bateau puis un petit barracuda, femelle – bien pleine – apparemment, que nous relâcherons. Sur les 4 petits thons, 2 se sont apparemment fait croquer entre le moment où ils se sont fait avoir et l’arrivée sur le bateau. C’est pratique, ils sont déjà (bien) saignés, presque vidés, mais il manque pas mal de bidoche quand même. Au vu de la trace de la mâchoire, nous soupçonnons nos amis les dauphins dont nous avons croisé un troupeau en route. Bande de jaloux !!

Bref, on arrive pile poil au coucher du soleil pour jeter l’ancre dans une eau on ne peut plus transparente : même avec le peu de lumière du crépuscule, on voit le fond ! Les premières baignades, le lendemain, nous mettront l’eau à la bouche : des raies se promènent tranquillement sur le fond, on nage au milieu de bancs de poissons multicolores, il y a des vieilles ancres et des canons au fond … Ça nous donne envie d’aller plus loin, et on pousse la porte du club de plongée local pour se renseigner sur la formation basique. Après de longues hésitations, on laisse tomber : c’est un gros investissement, et on aura du mal à le rentabiliser d’abord faute de temps, mais aussi car cela représente un coût non négligeable par la suite, à chaque plongée. Tant pis, on restera des snorkelers bedonnants à s’extasier devant les pitipassons qu’on peut voir pas trop loin de la surface. On ne peut pas tout faire dans la vie, la nôtre est déjà pas mal chargée et ça ne risque pas de se calmer avant un bout de temps ! Cela ne nous empêchera pas de nager pendant un bon quart d’heure avec une petite tortue, le dernier jour, moment inoubliable …

grosseAncre.jpg

Eh ben c'est du propre, ya des bouts de ferraille partout au fond ! Ici une ancre, plus loin un canon ... Elle serait jolie la baie si tout le monde faisait pareil !!

Côté terre, notre première promenade dans Oranjestad nous plait beaucoup : des petites maisons d’Hansel et Gretel sous les tropiques, ça a vraiment du charme ! Et par-ci, par-là, des volets blancs, verts et rouges cpmme dans les Flandres, entre deux palmiers. Tout le monde dit bonjour, propose son aide … Dès le premier jour on se sent bien ici, ça change d’Antigua, pour un peu on se retrouverait presque deux semaines en arrière, en Dominique.

En plus il y a un volcan à escalader, avec un vrai cratère dedans, et moi j’aime bien les cratères ! Direction Mazinga, sommet du Quill (c’est le nom du volcan), à 600m au dessus de la mer. Très jolie balade, accompagnés d’innofensifs serpents à ventre rouge (on n’est pas allés vérifier !) et des habituels sinon inévitables Bernard-l’Hermitte qui se retrouvent à faire des conciliabules sur la crête.

theQuill.jpg

Chouette, un cratère !

A chaque excursion à terre, on en profite pour faire un détour par le garage du coin pour … récupérer des vieux pneus ! En effet, il y en aura besoin pour passer le Canal de Panama (pour faire des défenses mastoc), où ils sont vendus d’un côté 4US$ et repris de l’autre côté à condition de payer 1US$. Comme il faut une bonne dizaine de pneus, on ne va pas passer à côté d’une économie de 40US$, même si il faut se les trimballer sur le roof pendant 1200 milles, ce qui ne posera d’ailleurs aucun problème. En plus ce sont des pneus de 4×4 pour la plupart, bien larges, bien mastocs, pile ce qu’il nous faut !

pneusSurAxe.jpg

Vazy, Axounette, on rentre ! Merci au chauffeur du 4x4 qui s'est arrêté sur le bord de la route en nous voyant croûler sous le poids de nos pneus ...

Nous ferons finalement la connaissance de Lilian et Barry, des anglais avec lesquels nous avons échangé nos derniers ici$ contre des US$ – nous pensions faire le change dans une banque de l’île mais aucune d’entre elles n’a voulu de nos ici$, alors qu’elles ont des branches dans les îles qui utilisent cette monnaie, allez comprendre – et avec qui nous avons passé deux très bonnes soirées à partager eux leur voyage autour du monde en 6 ans et nous le début du notre. Merci encore Lilian et Barry pour le « cadeau » (prononcer à l’anglaise Smile ), les guides de navigation et le lasso à langoustes ! See you next time somewhere on the planet !

Malheureusement, la veille de notre départ, un petit détail vient ternir la fin de notre escale : nous nous voyons réclamer par le parc national la somme de 30 US$ pour avoir mouillé dans la baie. Ce n’est pas une amende, c’est présenté comme une contribution à la préservation de l’environnement et au fonctionnement du parc. Ben voyons. Une contribution volontaire obligatoire, sans doute ? Une contribution où si tu payes pas on te menace de faire intervenir la force, ça ne s’appelle pas une contribution, ça s’appelle une taxe, ou alors du racket. En tous cas ça sent – d’assez loin – le « vous avez un bateau donc vous jetez l’argent par les hublots donc vous allez nous en donner et si vous voulez pas vous êtes des sans-cœur égoïstes mangeurs d’enfants ». Tiens, une question au hasard, 30$ pour financer quoi, au juste ?

  • l’entretien de bouées de mouillage dans la baie (pas une bouée à l’horizon, on s’est mis sur ancre en faisant attention, comme d’habitude, de bien se mettre sur du sable afin de ne rien abîmer), mais pas trop quand même parce que au cas où on aurait pris une bouée qui n’existe pas et où ça souffle fort, il est recommandé de mettre une ancre en plus …
  • la mise en place et l’entretien de bouées pour les plongeurs (ah ben oui mais nous on ne plonge pas, et la taxe demandée à chaque plongeur à chaque plongée elle sert à quoi ?)
  • l’étude de l’impact des tankers du terminal pétrolier à moins d’un mille de la baie sur le parc marin (ce n’est pas à nous de payer ça, ni aux tankers d’ailleurs, à moins qu’il soit prouvé qu’ils aient un impact et qu’il soit néfaste), ou encore l’impact des activités récréationnelles (idem, si il y a des gens qui sont infoutus d’observer la nature sans la dégrader, c’est à eux de réparer les dégâts qu’ils font et pas à ceux qui y font attention). D’ailleurs, ça nous fait doucement rigoler de vouloir nous faire, à travers cette taxe, culpabiliser ou au moins sensibiliser concernant notre impact sur l’environnement marin alors qu’à quelques encablures ce sont de véritables usines flottantes, loin de tourner à l’eau claire, qui vont et viennent chaque jour en trimballant leurs milliers de m² d’antifouling (et c’est du violent, ils ont le droit de mettre des trucs efficaces sur leurs coques, eux). Et ça n’a pas l’air de trop perturber la vie marine, vu ce qu’on peut observer pas plus loin que sous notre bateau.
  • la préservation de l’environnement dans le parc marin (ben nous on a ramassé au fond de l’eau : une serviette de bain, un pull, un truc en caoutchouc, et il y avait encore des pneus mais ils étaient déjà bien colonisés donc on les a pas récupérés, tout comme l’ancre et le canon Smile Mais apparemment ça ne suffit pas pour être de bons préserveurs de l’environnement, il faut raquer pour pouvoir se sentir complètement libéré de toute culpabilité. C’est vachement pratique : on peut balancer ses ordures par dessus bord, mais on reste de bons préserveurs de l’environnement puisqu’on a payé)
  • l’aménagement de récifs artificiels pour favoriser la pêche professionnelle (encore une fois, ce n’est pas à nous d’être obligés de payer ça)
  • etc … j’arrête pasque l’article ne va parler que de ça, si je continue

Bref, autant ça ne nous dérange pas de payer un service rendu (par exemple à Oranjestad l’utilisation d’un quai spécialement dédié aux annexes, l’abri sommaire fourni par une jetée, des containers à poubelle, pour lesquels nous nous acquittons au moment du départ) à condition que ce soit raisonnable (c’était déjà un peu cher, 15 US$, mais nécessaire pour obtenir la clearance), autant là, franchement, on arrive difficilement à voir comment le bête trou dans le sable qu’on va laisser à l’endroit où était notre ancre, trou qui sera rebouché naturellement en 2 jours, peut justifier le paiement d’une telle somme. Et hop, presque envolée la super économie faite sur les pneus ! Et puis c’est devenu beaucoup trop rouleur comme mouillage, avec ce fort vent d’est qui lève une houle pas très sympathique. Et puis la météo s’annonce intéressante pour partir vers Panama. Et puis on a envie de partir voir le Pacifique. Allez hop, byebye Statia, on s’en va !


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3 comments to Statia

  • mamounnette

    Bon voyage !

  • Claire TABARY

    là où il y a du passage, il y a généralement du profit à faire, c’est bien connu et dommage pour les passants. N’empêche, je préfère cet article aux déboires qui vous attendaient sur la route de Panama, même si, à cette heure, vous êtes en train de les gérer avec succès. Bonne suite.

  • Mamodile

    Tiens, c’est encore l’heure du goûter, pour vous… Accompagnées de votre toujours entraînante et détaillée prose, vos photos n’en ont que plus d’intérêt. Profitez de bien vous détendre, c’est mérité après les turbulences Caraïbistiques, le gros rhume de Dédé (apprécie-t-il les soins spéciaux qui lui sont prodigués ?) et avant le pas vers le Pacifique. Gros Bisous (par – 4°…. on se réchauffe en pensant à vos 33 °…)

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