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Chassant partout

Ça fait un moment que je pense à écrire un article dans l’esprit de celui qui va suivre, depuis le début ou presque de la préparation, et à l’origine je voulais l’écrire et le publier à quelques jours du départ, à la fin des préparatifs. Oui mais voilà. Non seulement les préparatifs n’ont pas été finis et on est partis avec une liste de chose à faire encore relativement conséquente, mais en plus on n’avait pas vraiment le temps, en partant, de se laisser aller à des élucubrations plus ou moins philosophiques telles que celles qui vont suivre.

sousmarin.jpg

‘Chassant partout’, donc, ça se dit pour un sous-marin qui, pour remonter rapidement à la surface, remplit d’un coup ses ballasts d’air et émerge dans une gerbe d’écume, un peu comme sur la photo ci-dessus. Et comme vous l’aurez peut-être métaphoriquement compris, ça se dit aussi désormais pour un Tomtom et une Clairette qui, après plus d’un an d’acharnement à rafistoler, bricoler, démonter, refaire, imaginer, concevoir, changer, installer, réparer ou fabriquer, bref, à travailler sur le bateau qui allait nous emmener en voyage, arrivent enfin à se sentir, entre deux bricolages, en vacances.

En se lançant dans cette aventure, on avait négligé un facteur principal : le temps n’est pas étirable à volonté. Non seulement nous avions établi une liste de choses à faire à peu près impossible à tenir dans les délais impartis pour des individus normalement constitués (et ça je vous assure qu’en faisant la liste on ne s’en rend pas forcément compte, on est tout heureux d’avoir trouvé chaussure à son pied et on se dit que ce qui est à faire se fera. Un an plus tard, en regardant la même liste, on rigole bien), mais même si nous avions prévu un budget temps à peu près cohérent, nous oubliions le fait que chaque chose prend au moins 3 fois le temps prévu : il y a toujours une découverte lorsqu’on démonte un vaigrage, un fond d’équipet, un écrou de silentbloc … et qui rajoute une chose de plus à faire (et ça c’est dur pour le moral aussi). Pour vous donner une idée, en évoquant l’installation d’un régulateur d’allure (instrument très sensible qui nécessite une mise au point particulièrement minutieuse) au début du projet, j’avais dit qu’on allait se le fabriquer. Après tout, il y avait des plans dispo sur le net, il suffit de faire faire 3 pièces, de stratifier ça ça et ça comme ça et puis le tour est joué, roulez jeunesse. Là encore, quand on y repense, on rigole bien et on est bien contents d’avoir acheté un régulateur d’allure solide et éprouvé, au lieu de se lancer dans 3 mois de fabrication, assemblage, réglage et mise au point.

Bref, on avait négligé le facteur temps, disais-je. J’ai parlé du ‘budget’ temps consacré à la préparation, mais dans ce budget là, il manquait quelque-chose d’essentiel : du temps pour nous. On ne s’est pas rendu compte, et surtout moi, que c’était bien joli de passer tout son temps libre (à une période, on se levait à 6h du matin pour bosser sur le bateau avant d’aller travailler, on revenait à midi pour bosser sur le bateau, et le soir en rentrant du boulot on bossait sur le bateau jusqu’à tard) à s’occuper de Schnaps, mais que si le « et » entre Tomtom et Clairette s’effaçait, ça ne servait à rien. Si on ne se disait pas stop de temps en temps, si on ne se gardait pas des moments libres, des vrais, pour aller se promener, aller au restau, ou tout simplement vivre comme tout le monde pendant 5 minutes, oublier le bateau quelques heures ou quelques jours … A cause de cette négligence, tout a failli exploser en vol. Les baleines, les coquillages, tout.

On ne savait pas que préparer le bateau, ce n’était pas une juste une étape avant de pouvoir partir. Au début, c’était rigolo, il faisait encore à peu près beau, les bricolages étaient agréables et on avait du plaisir à travailler en s’imaginant, un an plus tard, à Madère, aux Canaries, au milieu de l’Atlantique … Et puis à force, on s’amuse moins. On s’énerve plus vite sur une vis qui ne veut pas venir, on stresse parce que ça n’avance pas aussi vite que prévu, on s’énerve encore plus parce qu’il reste une montagne de choses à faire et de moins en moins de temps. Et on oublie qu’on est deux, et que si on n’arrive pas à rester deux, tout ce qu’on fait et qu’on a fait avant ne sert à rien du tout. Que l’objectif ce n’est pas d’avoir un bateau prêt à aller en Patagonie, mais d’avoir une Clairette et un Tomtom sur un bateau prêt à aller en Patagonie.

Il paraît (à mon avis ça tient plus de la légende qu’à une étude statistique détaillée mais c’est assez parlant) que sur 100 couples qui ont le projet de faire le tour du monde à la voile, il y en a 10 qui achètent le bateau, 5 qui partent (les 5 autres se séparent avant), 3 qui arrivent aux Canaries sans se séparer ni revendre le bateau … et 1 qui continue, termine la boucle et vit heureux avec beaucoup d’enfants. Le jour où Clairette m’a dit que si on tenait ensemble jusqu’au départ, il ne pourrait plus jamais rien arriver à notre couple, j’ai compris (je veux dire vraiment compris) ce que cette petite histoire voulait dire. A l’heure où vous lirez ces lignes, on sera normalement presque en vue des îles du Cap Vert, et les Canaries seront à 700 milles derrière, dans notre sillage.

Pour terminer ce premier volet de réflexions décousues, pour être tout à fait honnête, s’il fallait refaire ce qu’on a fait entre septembre 2009 et juillet 2010, on ne signerait pas. Même en sachant que ça vaut le coup, pour tout ce qu’il y a à vivre après.

Et un énorme merci à ceux et celles – ils se reconnaîtront – qui ont réussi à trouver les mots qu’il fallait quand il fallait pour qu’on arrive là où on est et qu’on continue …


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13 comments to Chassant partout

  • mamounnette

    Merci Tomtom

    J’espère que vous êtes maintenant arrivés au Cap Vert.

    Bisous à vous deux
    Mamounnette

  • Claire TABARY

    il est vrai que je me suis souvent demandé comment votre vie « rien que vous deux » évoluait en dehors de cet enfant très envahissant répondant au nom de « Schnaps ». Depuis le début de votre aventure, vous ne parlez que de vous par rapport à lui, un peu comme moi avec Martin lorsqu’il est né. Je suis touchée par ton état des lieux, bien évidemment soulagée que tous ces caps soient passés et que vous en sortiez avec une relation soudée, hors bricolage cette fois. Restez en haut de la vague, c’est ce que je vous souhaite de tout mon coeur.

  • Gnègnès

    Jolie réflexion, et chapeau de vous être supportés jusque là et encore pour un moment, parce que à ce que j’en ai compris un de ces jours je vais avoir plein de neveux et nièces…
    Bisous et bonne arrivée au Cap Vert…
    Gnègnès

  • papaM

    Bon, du calme, Mirek, respire bien, l’émotion va passer ….mais comment trouver les mots ?

    C’est super d’y revenir et de l’avoir exprimé aussi bien.
    Quoi qu’il arrive, c’est déjà immense, comment vous faites et que vous en êtes arrivés Là.

  • Dam et K

    Bravo les loulous!
    On a toujours entendu dire que c’était pas facile de respirer dans un costume de sous-marin,
    mais l’idée du déguisement est osée et originale!
    Bisous, bonne route!

  • Stéphanie

    Oui, bravo à tous les deux d’avoir osé vous lancer, d’avoir osé continuer, d’avoir osé persévérer, d’avoir osé vous acharner, d’avoir osé vous épuiser, d’avoir osé aller jusqu’au bout !!!
    Maintenant il ne reste plus qu’à oser en profiter au maximum, mais pour ça je vous fais confiance :-).
    Gros bisous à tout l’équipage, et encore de plus gros bisous à vous deux. Vous nous manquez par ici, alors heureusement qu’il y a ce blog pour vous suivre.
    Stéphanie

  • Bravo, c’est joliment dit, et surtout bravo d’avoir eu le courage de le dire. Nous y retrouvons ce que nous avons vécu aussi lors de notre préparation, quasi-exactement pareil… Ca rassure un peu !
    Bon, mais il y a quand même une chose qu’il faudra nous expliquer, c’est comment un sous-marin à voile, en plongée qui plus est, peut exploser en vol ???
    Bonne nav au Cap-Vert, et profitez surtout de Santo Antão !

    Nicolas

    • Bé finalement on a préféré ne pas tester, l’explosion en vol du sous-marin à voiles. Ça fait des morceaux, tout ça, faut nettoyer après ! Merci pour le témoignage en tous cas, nous aussi ça nous rassure !
      On compte sur vous pour tout nous dire sur votre escapade en Patagonie pour nous donner encore plus envie d’y aller un jour ! Bonne préparation en attendant …

  • Mamodile

    Un tout petit peu plus tard, pour vous dire … ben, merci pour tous ces mots au travers desquels il y a tellement de vibration ! et … ben, bravo pour votre courage, et encouragements pour les jours moins fastes… et toujours de régulières pensées vers vous …

  • sorin

    C’est super , gardez votre Cap ( vert) !!!
    ça peut donner une leçon de chose à certains qui se séparent au moindre coup un peu plus difficile , et ils sont nombreux !!!
    soyez les plus heureux , vous le méritez bien
    bisous

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